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Investir dans la défense est-il compatible avec les normes ESG ?
information fournie par Le Cercle des économistes 02/06/2025 à 07:46

Valérie Mignon
Valérie Mignon

Valérie Mignon

Université Paris Nanterre, EconomiX-CNRS et CEPII

Professeur de sciences économiques

https://www.parisnanterre.fr/portail-institutionne

Un Rafale de l'armée de l'Air. (crédit : Armée de l'Air)

Un Rafale de l'armée de l'Air. (crédit : Armée de l'Air)

Profitant notamment des tensions géopolitiques mondiales, les entreprises de Défense se portent plutôt bien en Bourse. Valérie Mignon explique pourquoi il ne faut pas ouvrir les portefeuilles ESG – critères environnementaux, sociaux et de gouvernance – à toutes les valeurs du secteur, ni exclure ces dernières dans leur totalité.

Pendant longtemps, les investissements dans le secteur de la Défense n'ont pas eu le vent en poupe du fait de leur caractère généralement considéré comme éloigné des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) devenus des standards incontournables dans la gestion d'actifs. L'incertitude actuelle caractérisant le contexte géopolitique, tout particulièrement depuis le déclenchement du conflit en Ukraine, a toutefois rebattu les cartes de façon significative.

Ainsi, si produire des armes semblait en contradiction avec les valeurs promues par les critères ESG, l'idée que la sécurité et la paix reposent également sur des moyens de dissuasion crédibles est revenue sur le devant de la scène. En contribuant à la sécurité, la Défense soutiendrait aussi le développement – notamment durable – et permettrait aux investissements dans le secteur d'être vus comme «socialement responsables».

Une exclusion de l'ESG qui reste pleinement justifiée

En Europe, face à la menace russe, nombreux sont les Etats qui ont réinvesti massivement dans la Défense. Après une longue période de discipline budgétaire dans le domaine, l'Allemagne a ainsi débloqué 100 milliards d'euros en 2022 pour moderniser ses forces armées via un fonds spécial destiné à être entièrement utilisé d'ici 2028. L'Union européenne a reconnu que la défense pouvait concourir à la sécurité des démocraties et à la stabilité économique et sociale en protégeant, par exemple, les infrastructures critiques ou en prévenant les cyber-attaques ou menaces hybrides. De son côté, Euronext vient de revoir ses filtres d'exclusion et de créer une série d'indices boursiers sectoriels incluant explicitement les entreprises de Défense, longtemps exclues des investissements socialement responsables. Si ces exemples témoignent d'un certain revirement de tendance, doit-on pour autant ouvrir sans condition les portefeuilles ESG aux valeurs de la défense ?

La réponse est bien évidemment négative. Il est ainsi pleinement justifié d'exclure des portefeuilles ESG les entreprises fabriquant des armes prohibées comme les mines antipersonnel ou les armes chimiques et nucléaires, ou encore celles ayant une gouvernance opaque et/ou non éthique – à l'instar de groupes comme Lockheed Martin Corporation ou Northrop Grumman Corporation dont une partie importante du chiffre d'affaires provient d'armes nucléaires, ou de la société d'armements chinoise Norinco ne satisfaisant pas les exigences de transparence et de gouvernance. En revanche, certaines entreprises de Défense remplissent les critères ESG en matière de responsabilité sociale ou de gouvernance, à l'instar de Thales qui contribue à la cybersécurité ou à la surveillance maritime. Ces exemples montrent qu'il ne faut pas ouvrir les portefeuilles ESG à toutes les valeurs du secteur, ni exclure ces dernières dans leur totalité de façon automatique.

Clarifier et encadrer le rôle de la défense

Ce n'est pas tant l'appartenance ou non au secteur de la défense qui importe en termes de respect des critères ESG, mais la conduite de l'entreprise en matière de transparence, gouvernance éthique, maîtrise de la chaîne d'approvisionnement et utilisation finale des équipements produits. Dit autrement, il convient de ne plus de se limiter à la nature de l'activité, mais de considérer la finalité de l'usage, la transparence de l'entreprise et le respect des normes internationales.

Au total, dans un monde instable où la sécurité est redevenue une priorité, défense et normes ESG ne doivent plus être automatiquement considérées comme antagoniques. Si un blanc-seing à l'industrie militaire pour une inclusion sans conditions dans des portefeuilles ESG est à proscrire, il est nécessaire de clarifier et d'encadrer son rôle dans un monde dans lequel le contexte géopolitique évolue fortement et au sein duquel la sécurité apparaît comme une condition de la résilience des Etats, du respect des droits humains et de la stabilité économique – éléments qui relèvent directement du «S» d'ESG.

3 commentaires

  • 02 juin 10:24

    Article d'une grande naïveté.


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